Pemphigus

23 février 2009, par ROUJEAU J.-C.

1 - GÉNÉRALITÉS

1.1 - DIAGNOSTIC CLINIQUE

Bien que rare (1 à 2 cas par million par an en France), le pemphigus est une maladie auto-immune « vedette » en dermatologie. Parmi les multiples variantes cliniques décrites, trois méritent d’être individualisées :

- le pemphigus profond (ou pemphigus vulgaire) est le plus fréquent en France. Il débute habituellement par des érosions buccales, souvent prises pour des aphtes. L’apparition de bulles cutanées du thorax ou du scalp est l’occasion du diagnostic ;

- le pemphigus superficiel (regroupant les variants séborrhéiques, érythémateux, foliacés et herpétiformes) est de présentation clinique plus trompeuse. Il n’y a pas de lésions muqueuses et les lésions cutanées sont des croûtes superficielles, voire des plaques érythémato-squameuses ;

- le pemphigus paranéoplasique est exceptionnel et souvent cliniquement atypique. Les lésions muqueuses sont diffuses et graves, les lésions cutanées trompeuses : éruption lichénoïde, lésions évoquant un érythème polymorphe...

Certains cas de pemphigus (probablement moins de 5 p. 100) peuvent être induits par des médicaments. Il s’agit essentiellement de formes superficielles mais parfois de formes profondes. La D-pénicillamine (Trolovol®) et d’autres médicaments comportant un radical thiol ont été les plus souvent incriminés. Une alimentation riche en ail ou en oignon, des événements de vie traumatisants pourraient être des facteurs favorisant (niveau de preuve faible).

1.2 - HISTOPATHOLOGIE

Elle est indispensable et montre une bulle intra-épidermique par acantholyse suprabasale (pemphigus profond) ou sous-cornée (pemphigus superficiel). L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts d’IgG ± C3 entourant en « résille » les kératinocytes. La positivité de l’immunofluorescence directe est un critère indispensable au diagnostic. La présence de kératinocytes nécrotiques et un dépôt associé d’IgG linéaire sur la jonction dermo-épidermique augmentent la suspicion d’une forme paranéoplasique.

1.3 - BIOLOGIE

On détecte dans le sérum de plus de 95 p. 100 des malades des anticorps réagissant avec les épithéliums malpighiens. Mal nommés « anti-substance intercellulaire de l’épiderme » les anticorps reconnaissent des proteines des desmosomes assurant la cohésion des kératinocytes : anti-desmogléine 1 dans les formes superficielles et anti-desmogléine 3 dans les formes profondes, associés des anti-plakines dans le pemphigus paranéoplasique. Certains malades ont simultanément ou successivement les deux types d’anticorps, ce qui explique des chevauchements de formes cliniques.

La technique classique d’immunofluorescence indirecte est aussi sensible et plus spécifique que la détection par ELISA mais cette dernière est (comme l’immunoblot) capable de distinguer les anticorps du pemphigus profond et ceux du pemphigus superficiel.

Le titre des anticorps est assez bien corrélé à l’évolutivité de la maladie. Un titre élevé prédit une forme plus grave, et le titre fluctue avec les rémissions et les rechutes de la maladie.

Comme beaucoup de maladies auto-immunes, le pemphigus est associé à certains gènes du complexe majeur d’histocompatibilité. Ces associations n’ont pour l’instant aucune implication pratique.

Les autres examens nécessaires sont ceux qui permettent d’évaluer les facteurs de risque individuels de la corticothérapie générale et des immunosuppresseurs.

2 - INFORMATION AUX MALADES

2.1 - MÉCANISMES

La maladie est provoquée par des anticorps qui « attaquent » les cellules de la peau. L’effet nocif et la production de ces anticorps sont bloqués par divers traitements, notamment par de fortes doses de corticoïdes. Ces médicaments ont certes des effets secondaires bien connus, mais leurs dangers sont inférieurs à ceux des formes graves de pemphigus. Les raisons pour lesquelles certaines personnes fabriquent des anticorps contre leur propre peau sont mal comprises. Certains médicaments, un « stress » grave peuvent dans certain cas déclencher la maladie. Cette maladie n’est pas transmissible et ne fait courir aucun risque à l’entourage.

2.2 - OBSERVANCE ET SURVEILLANCE

La maladie est chronique, durant des mois ou des années. Le traitement ne doit jamais être arrêté brutalement car cela comporterait un risque important de « rebond » de la maladie. Le traitement corticoïde à fortes doses impose un régime et expose à des complications.

Dès que la poussée de la maladie sera guérie, les doses de médicament seront diminuées progressivement pour une durée allant de quelques mois à plusieurs années. Il est en effet fréquent que la maladie rechute lors de la diminution des doses, ce qui nécessite une pause dans la baisse ou un renforcement du traitement. Après 2 à 5 ans, on peut arrêter le traitement dans environ la moitié des cas. Dans l’autre moitié, il faut continuer pendant des années un traitement à doses généralement modérées.

La surveillance de l’efficacité et de la tolérance du traitement nécessite des examens cliniques et biologiques (prises de sang, analyses d’urines) réguliers.

L’exposition solaire peut aggraver la maladie. Il est souhaitable de s’en protéger.

La plupart des médecins non spécialistes connaissent mal cette maladie rare. Ils en surestiment habituellement la gravité. Ces médecins, comme des ouvrages médicaux de « vulgarisation » pourraient donner à tort une vision alarmiste de la maladie. Aussi le patient ne doit-il pas hésiter à demander à son dermatologue son opinion sur toute information qu’il pourrait obtenir d’une autre source sur le pemphigus.

2.3 - RISQUES GÉNÉTIQUES

L’existence d’un terrain génétique favorisant le pemphigus ne signifie pas que les descendants d’une personne atteinte aient un risque élevé de développer la même maladie. Le risque est certainement inférieur à un pour mille.

Si une femme enceinte est atteinte de pemphigus, il peut arriver exceptionnellement que les anticorps transmis à son enfant donnent quelques bulles à la naissance. Celles-ci guériront spontanément en quelques semaines quand les anticorps produits par le nouveau-né remplaceront progressivement ceux transmis par la mère en fin de grossesse.

2.4 - IMPACT SOCIAL ET PROFESSIONNEL

La grande majorité des malades souffrant d’un pemphigus peuvent mener une vie sociale ou professionnelle normale ou presque normale. Les difficultés éventuelles sont liées aux complications possibles des fortes doses de corticoïdes. Certaines de ces complications, en particulier osseuses, peuvent avoir un impact grave (une nécrose de la tête du fémur impose parfois une prothèse de hanche).

Bien que le pemphigus ne fasse pas partie explicitement de la liste des maladies dont le traitement est pris en charge à 100 p. 100 par la Sécurité sociale, les caisses d’assurance maladie acceptent le plus souvent une telle prise en charge. Le médecin ne doit pas omettre de remplir les formulaires.

3 - LIENS UTILES

Il existe en France une association de malades : APPF (Association Pemphigus Pemphigoïde France) : association de soutien aux personnes atteintes de pemphigus et de pemphigoïdes. Permanence le deuxième lundi de chaque mois, de 13h à 16H30 dans les locaux de l’Alliance Maladies Rares, 96 rue Didot, Paris.

Protocole National de Diagnostic et de Soins : PNDS - Pemphigus

Document mis en ligne sur le site de l’HAS le 6 juin 2016


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