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Morphée (sclérodermie cutanée)

4 mars 2019, par MACHADO A.

1 - REMERCIEMENTS

Ce chapitre a été écrit grâce à l’aide de l’EADV, de la Fondation René Touraine et de Thérapeutique Dermatologique.

2 - PRÉSENTATION

La morphée est une maladie de la peau auto-immune, rare, caractérisée par une inflammation et une sclérose (durcissement) de la peau et des tissus mous. Elle peut provoquer des lésions similaires à des cicatrices. Cette maladie ne doit pas être confondue avec la sclérodermie systémique, maladie différente touchant les organes internes et la circulation sanguine en plus de la peau. La morphée touche habituellement quelques zones cutanées limitées. Elle peut très rarement affecter des zones plus étendues, sous la forme nommée « morphée généralisée ».

3 - SIGNES ET SYMPTÔMES

Le développement de la morphée est généralement lent. La taille des lésions est variable ; elles sont habituellement de forme ovale. Initialement, les zones affectées peuvent démanger, causer une gêne ou être insensibles. Les lésions apparaissent habituellement sous forme de zones de peau de couleur rose ressemblant à des ecchymoses. Parfois, les zones affectées deviennent légèrement plus sombres et prennent une teinte beige. Les zones affectées deviennent progressivement plus épaisses ; elles deviennent pâles et cireuses en leur centre, et la peau semble plus ferme que normalement lorsqu’on la pince. La mobilité peut être réduite à certains endroits, par exemple au-dessus d’une articulation. Les poils tombent au niveau des zones affectées, et la peau est sèche car elle ne produit plus de transpiration. Rarement, les tissus graisseux et les muscles situés sous les lésions disparaissent et la peau adhère à l’os sous-jacent.

On classe les cas de morphée dans plusieurs sous-ensembles : morphée en plaque, morphée linéaire, morphée généralisée et autres variantes moins fréquentes comme la morphée profonde, en gouttes ou nodulaire.

La morphée en plaque est la variante la plus fréquente. Elle est généralement asymptomatique ; c’est pourquoi le patient souvent ne la remarque pas. Les plaques apparaissent le plus fréquemment sur le tronc et mesurent en général 2 à 15 cm de diamètre. Elles sont généralement multiples et asymétriques. Les lésions individuelles peuvent s’agrandir de manière significative ou leur taille peut rester stable.

La morphée linéaire commence généralement sous forme d’une lésion semblant inoffensive qui forme ensuite des séries de plaques qui se rejoignent pour former une bande ressemblant à une cicatrice. Cette variante tend à affecter les structures profondes : fascia, muscles et tendons ; elle peut, de ce fait, provoquer faiblesse musculaire et diminution de la mobilité articulaire. Cette forme peut rester inactive pendant des périodes prolongées, puis être réactivée. Lorsque la morphée linéaire affecte la tête, on parle de lésions en coup de sabre. Elle est le plus souvent unilatérale et, partant du front, s’étend sur le cuir chevelu. Les yeux peuvent aussi être affectés. Les personnes atteintes de cette forme de morphée peuvent aussi présenter des convulsions et des problèmes neurologiques.

La morphée généralisée commence habituellement de manière insidieuse, au niveau du tronc sous forme de morphée en plaque. Il est impossible de distinguer une lésion individuelle de morphée généralisée des lésions de morphée en plaque, à la différence que la lésion ne cesse de s’étendre. Les multiples plaques se rejoignent rapidement et peuvent affecter pratiquement toute la surface du tronc, n’épargnant bien souvent que les mamelons. À mesure que la maladie évolue, elle peut entraîner des constrictions invalidantes pouvant même causer des difficultés respiratoires dues à une réduction de la mobilité du thorax et à une inflammation des muscles intercostaux. Cette variante est généralement persistante, car la réponse au traitement est souvent limitée.

4 - QUI EST AFFECTÉ ? QUELS SONT LES CAUSES ?

On ne connaît pas la cause de la morphée. Ce n’est pas une maladie contagieuse. Certains patients présentant des antécédents familiaux de maladies auto-immunes sont plus susceptibles de souffrir de morphée ; il existe donc peut-être un lien génétique. Les zones cutanées affectées durcissent suite à l’augmentation de la production d’une substance nommée collagène. Le collagène confère à la peau sa résistance et sa structure normales ; lorsque le collagène est fabriqué en excès, la peau semble plus dure et plus rigide que d’’habitude. La morphée peut être provoquée par une lésion cutanée, comme une piqûre d’insecte, une brûlure, la radiothérapie ou des infections virales. Elle peut débuter à tout âge, aussi bien pendant l’enfance qu’à l’âge adulte, et elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, la morphée touche habituellement les blancs : elle est rare chez les Afro-américains.

Environ 2 patients sur 10 souffrant de morphée sont des enfants et des adolescents. Dans ce groupe de patients, la morphée en plaque débute en moyenne à l’âge de 7 ans. Quant à la morphée linéaire, elle débute chez la plupart des patients avant l’âge de 18 ans. Si elle n’est pas traitée, elle peut déboucher non seulement sur une mobilité articulaire réduite mais aussi sur une asymétrie irréversible des membres. La morphée généralisée est similaire chez l’enfant et chez l’adulte. Elle débute généralement avant l’âge de 14 ans et tend à provoquer un handicap sévère à vie dû à une atrophie persistante des muscles sous-jacents et à des contractures des articulations touchées.

La morphée localisée débutant à l’âge adulte touche une à trois zones. C’est le sous-type le plus fréquent chez l’adulte et elle ne touche généralement pas les muscles ni les os. La morphée généralisée affecte au moins quatre zones cutanées ou sous-cutanées. Les adultes peuvent aussi souffrir de morphée linéaire.

5 - DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT

Le diagnostic est habituellement établi suite à un examen de la peau. On peut réaliser une biopsie de peau (prélèvement d’un petit morceau de peau sous anesthésie locale) de la zone affectée en cas d’incertitude ou pour exclure d’autres maladies de peau. Des tests sanguins peuvent aussi être utiles.

Le traitement de la morphée dépend du type de morphée (morphée linéaire, morphée en plaque ou généralisée), de l’âge du patient et de l’atteinte ou non des tissus sous-jacents à la peau. La morphée en plaque ne nécessite pas toujours de traitement car, en l’absence de traitement, elle évolue normalement pendant 3 à 5 ans avant de régresser très lentement au fil des ans. Toutefois, des crèmes ou pommades fortement dosées en dermocorticoïdes, des agents non stéroïdiens comme le tacrolimus ou l’imiquimod, sont parfois indiqués. Des injections de stéroïdes dans la peau affectée peuvent aussi être utiles. Un traitement précoce est particulièrement important dans la morphée linéaire et dans la morphée généralisée pour prévenir les conséquences ultérieures telle la perte de mobilité. Les traitements possibles incluent la photothérapie ou un traitement par stéroïdes en intraveineuse et méthotrexate. D’autres traitements incluent la pénicilline et ses dérivés ou les dérivés de la vitamine A comme l’acitrétine ou l’isotrétinoïne. Outre une prise en charge par un dermatologue, un traitement expert peut être mené par un chirurgien esthétique ou orthopédique ; en cas de contractures persistantes, une chirurgie reconstructive peut être nécessaire et une révision chirurgicale peut aussi être nécessaire dans la morphée linéaire ou en coup de sabre. Enfin, une kinésithérapie spécialisée et prolongée est obligatoire pour les patients dont la mobilité est menacée par la morphée.

6 - CONSEILS DE PRISE EN CHARGE

La morphée assèche la peau affectée ; des produits hydratants peuvent donc aider à l’assouplir et à soulager les symptômes tels que les démangeaisons. Il est important de trouver un produit hydratant épais que les patients peuvent appliquer confortablement deux fois par jour pour réduire les symptômes. Il est préférable d’éviter les bains ou douches chauds et prolongés, qui assèchent la peau.

La morphée ayant un impact sur l’apparence, il peut être particulièrement difficile de vivre avec. Les patients peuvent consulter tout d’abord leur médecin traitant, qui pourra les orienter vers un médecin spécialiste des maladies de peau (dermatologue) ou des articulations, des os et des muscles (rhumatologue). Le médecin de premier recours ou un professionnel de la santé mentale pourront aussi fournir un soutien psychologique.

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