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Gelures

3 janvier 2013, par VERMEULEN C.

Les gelures sont définies par un gel des tissus provoqué par l’action directe du froid au cours d’une exposition à une température inférieure à 0°C ou en dessous de 10°C en cas de vent violent.

C’est une complication redoutée des alpinistes, des randonneurs égarés, des voyageurs des régions froides mais aussi des personnes sans domicile fixe.

1 - PHYSIOPATHOLOGIE

Quatre phases se succèdent et peuvent s’associer entre le refroidissement et le réchauffement :

1/ La phase de refroidissement avant gel entraîne une vasoconstriction avec ischémie sans formation de cristaux de glace. Le refroidissement neuronal et l’ischémie entraînent une hyperesthésie ou des paresthésies.

2/ Lors de la phase de gel-dégel, des cristaux de glace se forment en intracellulaire (refroidissement rapide) et ou en extracellulaire (refroidissement lent) et sont à l’origine de perturbations protéiques et lipidiques, de fuites cellulaire d’électrolytes, de déshydratation intracellulaire aboutissant à une lyse cellulaire.

Le phénomène de dégel va initier une vasodilatation avec tentative de reperfusion après ischémie à l’origine d’une réponse inflammatoire.

3/ La 3ème phase consiste en une stase vasculaire, l’état des vaisseaux varie entre vasodilatation et vasoconstriction avec fuite sanguine ou coagulation intravasculaire.

4/ Plus tardivement apparaît une ischémie progressive des tissus avec une cascade d’évènements : inflammation par libération de thromboxane A2, prostaglandines F2 alpha, bradykinines et histamine ; vasoconstriction intermittente des artérioles et des veinules ; embolies diffuses des microvaisseaux ; formation de thrombus dans les vaisseaux de plus grand calibre.

Les dégâts cellulaires initiaux provoqués par les cristaux de glace et les phénomènes post dégel sont aggravés et deviennent définitifs en cas de réexposition au froid.

2 - CLINIQUE

Les mains et les pieds sont touchés dans 90% des cas.

Le premier signe de gelure est une perte de sensibilité avec des doigts blancs et livides.

L’évaluation de la gravité des gelures ne se fait qu’après réchauffement par immersion dans une bassine d’eau chaude (entre 38 et 40°C) pendant au moins une heure.

Stade 1 : Engourdissement et érythème, éventuelle formation d’une plaque ferme blanchâtre sur les zones atteintes. Pas d’atteinte profonde, éventuelle nécrose épidermique superficielle. Retour de la sensibilité et d’un aspect rosé après réchauffement.

Stade 2 : Formation de phlyctènes à contenu clair ou lactescent, entourées d’un érythème et d’un œdème. Persistance de la perte de sensibilité, limitation de l’atteinte aux dernières phalanges des orteils ou des doigts qui restent cyanosées.

3 - TRAITEMENT

3.1 - PRÉVENTIF

• Maintenir une perfusion périphérique :

– s’hydrater suffisamment avec des boissons chaudes peu sucrées, anticiper les apports nutritifs ;

– se protéger contre le froid de manière adaptée pour maintenir la température interne ;

– éviter les traitements diminuant la perfusion, le tabac, les drogues et les activités en milieu extrême en cas de maladie causant une hypoxémie ;

– couvrir tout le corps, crâne inclus ;

– éviter les bijoux, les vêtements serrés (plusieurs paires de chaussettes), les chaussure trop petites ;

– en cas de prévision d’une situation à risque prendre quotidiennement de l’aspirine à dose anti aggrégante (75 à 250 mg) ;

– oxygène en cas de conditions d’hypoxie, au-dessus de 7500 m d’altitude.

• Eviter l’immobilité et pratiquer un exercice qui maintien la perfusion périphérique en augmentant le seuil de dilatation périphérique induite par le froid.

• Se protéger contre le froid  : 

– éviter les températures inférieures à -15°C ;

– porter des protections adaptées à l’humidité, au vent (qui augmente le froid ressenti) et au froid ;

– éviter de mouiller les extrémités, changer le plus tôt possible les vêtement humides ;

– utiliser des systèmes de chauffage des mains et des pieds ;

– éviter les émollients ou corps gras qui n’ont pas d’effet protecteur et sont même un facteur aggravant.

3.2 - CURATIF

Sur le terrain  :

Le réchauffement est l’urgence thérapeutique :

Soustraire le malade du froid, éviter les traumatismes, desserrer les vêtements et maintenir une hydratation. Enlever les bijoux et autres objets pouvant conduire à une constriction en cas d’œdème.

Sur le terrain, à l’abri, tremper les extrémités gelées dans un bain d’eau chaude à 38/40ºC au moins une heure. Ajouter un produit antiseptique type povidone iodée ou chlorhexidine . Sinon mettre au contact des aisselles ou de l’abdomen d’une autre personne.

Ne pas frotter avec de la neige. Ne pas réexposer au froid après réchauffement.

En cas de gelure stade 1, l’activité peut reprendre, il n’y a pas de risque d’amputation. Le malade doit continuer la prise d’aspirine.

En cas de gelure stade 2, l’activité doit être arrêtée, sans rapatriement en urgence, avec une guérison en un mois.

En cas de stade 3 ou 4, un rapatriement en urgence est nécessaire du fait du risque d’amputation.

Le développement récent des communications téléphonique et internet par satellite permet de prendre contact dès l’accident avec un expert qui pourra guider la prise en charge. En France depuis 2006, un SOS gelures (0826148000) a été mis en place.

En milieu hospitalier

Au mieux prise en charge dans un service spécialisé.

Le but du traitement est de réchauffer puis de lutter contre le spasme vasculaire, l’hyperviscosité et la thrombose et enfin de prévenir l’inflammation et l’infection.

Dépister et traiter une éventuelle hypothermie, des blessures associées éventuelles ou des complications systémiques

A l’admission, réchauffer rapidement les zones atteintes dans de l’eau chaude (37-39°C) avec antiseptique pendant 15 à 60 minutes.

Lutter contre l’hypovolémie en hydratant soit par voie orale, soit par du sérum physiologique chauffé par voie intraveineuse en cas de troubles digestifs ou de conscience.

Traiter les phlyctènes à contenu clair (contenant prostaglandines et thromboxanes) en les perçant et en appliquant des compresses vaselinée ou une préparation à base d’aloe vera toutes les 6 heures (effet local anti prostaglandines).

Ne pas percer les bulles hémorragiques.

Protéger avec des attelles et surélever les membres atteints (lutte contre l’œdème).

Contrôler le statut anti tétanique.

Lutter contre la douleur de manière adaptée.

L’usage de l’ibuprofène 400 mg toutes les 12 heures est recommandé dans les publications du fait de l’activité anti prostaglandines ; l’aspirine 1g par jour est anti inflammatoire mais a un risque de blocage prolongé de certaine prostacyclines qui favorisent la cicatrisation des plaies.

Du fait de l’oedème initial avec diminution de la protection intrinsèque cutanée anti cocci gram +, administrer une antibiothérapie probabiliste par pénicilline ou pristinamycine pendant 48 à 72 heures. Elle sera adaptée selon les prélèvements et l’évolution.

3.3 - TRAITEMENT MÉDICAL ASSOCIÉ

• Vasodilatateurs : nifédipine 1 gélule par jour. Le buflomedil n’est plus disponible en France depuis février 2011, la pentoxyfilline depuis novembre 2011.

L’utilisation d’ilomédine analogue de la prostacycline, dès la prise en charge, à la dose de 0,5 à 2 ng/kg par minutes 6 heures par jour pendant 8 jours permet dans les stades 3 et 4 de diminuer significativement le risque d’amputation.

Dans une étude française de 2011 prospective, contrôlée et randomisée, trois protocoles ont été comparés chez 47 malades souffrant de gelures stade 3-4 : buflomedil + aspirine, aspirine + ilomédine, aspirine + ilomédine + thrombolyse par activateur du plasminogène recombinant (rt PA). Les taux d’amputation pour les mains étaient de respectivement 49%, 0% et 2% ; pour les pieds respectivement de 34%, 0% et 4%.

L’usage de la thrombolyse doit donc être discutée au cas par cas, seulement pour les stades 4, en l’absence de traumatisme crânien ou de contre-indication médicale et selon le délai entre le réchauffement et la prise en charge.

L’usage d’un caisson hyperbare dépend des auteurs avec un bénéfice dans des études animales et humaines mais de plus amples études semblent nécessaires, sachant que les effets secondaires sont rares et les coûts faibles.

La sympathectomie chirurgicale ou chimique précoce n’est plus recommandée depuis l’usage des vasodilatateurs.

3.4 - ÉVALUATION DU RISQUE D’AMPUTATION

L’association de l’évaluation clinique après réchauffement et de l’imagerie par 2 scintigraphies osseuse au Technetium 99 dans les 3 jours après l’admission et à J7 permet d’évaluer précisément l’étendue de la prise en charge chirurgicale, qui n’était évaluée classiquement qu’après 3 semaines d’évolution.

Cela permet dans certaines situations d’envisager des interventions précoces avec lambeau pédiculé et des amputations ciblées ou en 2 temps et surtout de rassurer ou de préparer psychologiquement le malade à l’amputation des tissus nécrosés dans les 6 à 12 semaines après les gelures.

Stade 3 : Formation de phlyctènes profondes à contenu hémorragique par atteinte du derme réticulé et de la vascularisation dermique profonde. Insensibilité et aspect cyanosé persistent au dessus des dernières phalanges distales mais ne remontent pas sur la main ou l’avant pied.

Stade 4 : Extension des dégâts à tout le derme et atteinte des tissus sous cutanés avasculaires des muscles et des os. Insensibilité et cyanose remontant sur la main ou l’avant bras.

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