Sommaire
1 - RAPPEL DU DIAGNOSTIC
Les embolies de cristaux de cholestérol, appelées aussi embolies multiples de cholestérol, sont une complication de l’athérome évolué. Elles proviennent de plaques ulcérées et vieillies de l’aorte et de ses gros troncs, qui spontanément ou lors de circonstances iatrogènes se rompent dans la circulation. Il s’agit d’une entité sous-diagnostiquée dont la symptomatologie est parfois polymorphe et trompeuse. Il est important d’en faire précocement le diagnostic car, si la première poussée est imprévisible, les récidives sont l’un des facteurs essentiels de la gravité de la maladie, parfois à l’origine du décès du patient. La peau est l’une des trois localisations les plus fréquentes et constitue le point d’appel clinique le plus évocateur. La prise en charge des patients ayant des localisations multiviscérales nécessite la collaboration du dermatologue avec plusieurs spécialistes ou un médecin interniste.
Les embolies de cristaux de cholestérol concernent le plus souvent des hommes (80 à 100 p. 100 des cas), âgés de plus de 60 ans, ayant constamment un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire. La maladie athéromateuse a déjà eu une expression clinique. Elle a été documentée par des examens complémentaires, invasifs ou non, dont l’échographie transœsophagienne qui permet de mettre en évidence l’atteinte de la crosse aortique. Il existe dans près d’un cas sur deux des facteurs déclenchants bien individualisés : chirurgie aortique directe ou manipulation de l’aorte au cours d’une intervention extravasculaire, pontages aorto-coronaires, cathétérismes artériels, radiologie interventionnelle, massage cardiaque externe, traumatisme thoracique, circulation extracorporelle, traitements anticoagulants par antivitamine K, héparine conventionnelle ou de bas poids moléculaire, emploi de fibrinolytiques. L’expression clinique est très inférieure à l’atteinte histologique, comme en témoigne les études comparatives. Après cathétérismes artériels, les embolies de cristaux de cholestérol concernent 27 p. 100 des patients autopsiés (contre 4 p. 100 des témoins), alors que leur prévalence clinique est de 0,2 p. 100.
Les lésions cutanées sont un point d’appel clinique majeur, et la plus fréquente de toutes les atteintes cliniques, devant les localisations rénales et digestives. Aucun tableau n’est spécifique, et les lésions sont parfois trompeuses. Elles concernent préférentiellement les membres inférieurs. Les aspects les plus classiques sont le livedo et les orteils pourpres à pouls distaux conservés, signant une atteinte de la microcirculation. Ces derniers constituent un symptôme évocateur dans un contexte particulier, mais ils peuvent aussi faire discuter des engelures, un ergotisme, une hémopathie, une maladie systémique ou une simple acrocyanose. Le livedo peut apparaître de façon retardée, parfois jusqu’à quatre mois après un facteur déclenchant identifié. On peut aussi observer des nodules dermo-hypodermiques, un purpura, une cyanose, des nécroses superficielles, une gangrène distale ou des ulcérations.
L’atteinte rénale constitue 4 p. 100 de tous les motifs de consultation en néphrologie et 10 p. 100 des causes d’insuffisance rénale aiguë après 65 ans, nécessitant la dialyse dans un cas sur deux. Elle comporte une dégradation de la fonction rénale, parfois brutale lors des relargages massifs d’emboles, mais le plus souvent lente et retardée, permettant le diagnostic différentiel avec la néphrotoxicité des produits de contraste employés lors des angiographies. Cette insuffisance rénale s’associe fréquemment à des poussées d’hypertension artérielle difficilement controlables chez des patients antérieurement bien équilibrés par leur traitement. On observe parfois des tableaux de glomérulonéphrite nécrosante sans cristaux de cholestérol, dont les aspects histologiques sont proches de ceux de la maladie de Wegener ou de la micropolyangéite, ne s’expliquant pas par un mécanisme purement embolique.
À cette expression cutanée ou rénale peuvent s’associer, ou évoluer pour leur propre compte, des atteintes digestives telles que des pancréatites, des ischémies, des perforations ou des nécroses segmentaires du tube digestif parfois fatales, des symptômes musculaires (myalgies), neurologiques centraux (accidents ischémiques transitoires ou constitués, signes visuels, syndromes confusionnels ou démence par infarctus multiples, myélomalacie) ou périphériques (mono- et multinévrites), des atteintes pulmonaires et des péricardites. Enfin, un certain nombre de localisations sont cliniquement muettes, et les embolies de cristaux de cholestérol sont alors découvertes lors d’études autopsiques dans les surrénales, les testicules, la thyroïde, la rate, la vésicule biliaire et le foie.
Si les embolies de cristaux de cholestérol peuvent être révélées par une fièvre au long cours isolée, leur tableau clinique peut, à l’opposé, être extrêmement riche et trompeur. Lorsque s’associent une altération de l’état général, un syndrome inflammatoire majeur et une atteinte neurologique, pulmonaire et rénale ou digestive, elles prennent alors le masque d’une angéite nécrosante, plus particulièrement celui de la périartérite noueuse.
Il n’existe aucun signe biologique spécifique de la maladie. La cholestérolémie n’est en aucun cas un marqueur de la maladie. On peut toutefois noter l’existence d’une hyperleucocytose, d’une thrombopénie, d’une hyperéosinophilie (probablement liée à une hypersécrétion d’interleukine 5 par les lymphocytes T activés), d’un syndrome inflammatoire fréquent. La présence de quelques signes biologiques dysimmunitaires n’a que peu de valeur chez des patients souvent âgés. La baisse du complément, signalée par certains auteurs, est très inconstante. L’atteinte rénale associe diversement une augmentation de la créatininémie, une protéinurie faible à très abondante et des anomalies du sédiment urinaire, dont une possible éosinophilurie.
Lorsque le diagnostic est suspecté cliniquement, la preuve formelle en est faite par la mise en évidence de cristaux de cholestérol, ce qui n’est en pratique obtenu que dans 30 à 50 p. 100 des cas. Le moyen le plus élégant est le fond d’œil, lorsque la partie supérieure de l’aorte et ses branches sont concernées, puis viennent par ordre d’agressivité croissante les biopsies de peau, de muscle, de mœlle osseuse et de rein. La biopsie cutanée doit être large et profonde, comprenant le derme et l’hypoderme. Les cristaux de cholestérol apparaissent sous forme de fentes lancéolées biconvexes optiquement vides dans des artérioles de moyen calibre (100 à 200 µm), entourés de macrophages et de cellules géantes puis d’une endartérite oblitérante aboutissant à l’obstruction du vaisseau. L’aspect histologique est beaucoup plus trompeur si la biopsie passe à côté du cristal et ne montre que des lésions de vascularite leucocytoclasique. Lorsque la preuve histologique n’est pas obtenue, le diagnostic est évoqué sur les caractéristiques cliniques (association d’un livedo, d’orteils pourpres, d’une HTA et d’une insuffisance rénale), le contexte de maladie athéromateuse et l’existence d’un éventuel facteur déclenchant.
Le pronostic des embolies de cristaux de cholestérol est souvent sévère. Leur survenue est un élément péjoratif, par le biais des complications ischémiques directes, mais surtout parce qu’elles reflètent la précarité de l’appareil cardiovasculaire, même lorsque l’atteinte clinique est limitée. Le suivi prospectif de patients atteints d’embolie de cristaux de cholestérol rétinienne asymptomatique confirme leur signification péjorative. La récidive des poussées emboliques est un facteur majeur de gravité. L’atteinte rénale, fréquemment irréversible, peut conduire à l’épuration extrarénale, puis au décès dans le contexte de l’hémodialyse chronique. Le pronostic global de la maladie est bien reflété par l’analyse rétrospective de Fine et al. portant sur 221 dossiers : 80 p. 100 de mortalité plurifactorielle, par défaillance cardiaque, rénale, multiviscérale, par rupture d’anévrysme ou complications infectieuses et par perforations digestives. Il devrait être amélioré par un diagnostic et une prise en charge précoces, et une intensification du traitement des formes multiviscérales, permettant de lutter contre les causes les plus fréquentes de décès.
2 - INFORMATION AUX PATIENTS
Lorsque le diagnostic d’embolie de cristaux de cholestérol est établi, la prévention des récidives est fondamentale. Le patient doit connaître sa pathologie et pouvoir la citer dans ses antécédents. Il doit être informé de son lien avec l’athérosclérose et du risque potentiel des facteurs déclenchants connus, essentiellement de la chirurgie aortique, des cathétérismes artériels et de la radiologie interventionnelle, et des traitements anticoagulants ou fibrinolytiques.
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