Amyloses cutanées

11 juillet 2005, par BACHMEYER C. & ARACTINGI S.

Les amyloses sont un groupe d’affections caractérisées par des dépôts extracellulaires de protéines particulières par leur affinité tinctoriale au rouge Congo. En microscopie optique, l’aspect est celui d’une substance anhiste éosinophile, avec une biréfringence vert-jaune en lumière polarisée à la coloration par le rouge Congo. En microscopie électronique, la substance amyloïde est composée de fibrilles linéaires de 7,5 à 10 nm de diamètre ayant une structure β-plissée. Plusieurs types d’amylose sont distingués selon la nature des protéines fibrillaires amyloïdes et le mécanisme pathogénique à l’origine des dépôts. Ce sont essentiellement les amyloses immunoglobuliniques (AL), les amyloses cutanées réactionnelles ou secondaires (AA) et les amyloses cutanées primitives comme le lichen amyloïde et l’amylose maculeuse (kératine). Le diagnostic de l’amylose AL repose sur l’examen histologique et immuno-histochimique, la biopsie étant réalisée soit en peau lésée, soit en peau saine avec, dans ce cas, une rentabilité un peu moindre (55 p. 100) que la biopsie de graisse abdominale (95 p. 100) ou que la biopsie rectale (75 p. 100). Les lésions cutanées de l’amylose AA sont exceptionnelles, la biopsie cutanée en peau saine retrouve dans 89 p. 100 des cas les dépôts amyloïdes. L’examen histologique permet si besoin de confirmer le diagnostic d’amylose cutanée primitive.

Le traitement de l’amylose immunoglobulinique isolée ou associée au myélome est celui de la prolifération plasmocytaire. Pourtant, l’efficacité des chimiothérapies est difficile à apprécier puisque, par exemple, l’amélioration d’un syndrome néphrotique ne se traduit pas toujours par la disparition des dépôts amyloïdes et que son aggravation peut survenir malgré l’augmentation des dépôts. Cependant, plusieurs études ont montré que l’association melphalan-prednisone améliorait la médiane de survie des patients de manière significative, mais limitée [4, 9]. L’efficacité de la colchicine n’a jamais été prouvée dans l’amylose AL. Les chimiothérapies intensives par melphalan à fortes doses, suivies d’une autogreffe de cellules souches du sang ou de la moelle osseuse, ont été proposées, bloquant la production d’immunoglobulines [3]. Bien que parfois une amélioration clinique de l’amylose ait été démontrée, il est indispensable de préciser la place de ces chimiothérapies intensives par rapport à l’association melphalan-prednisone, du fait d’une forte mortalité. Enfin, l’exérèse, la dermabrasion ou le laser à colorant pulsé peuvent être proposés à visée esthétique pour les lésions cutanées nodulaires [1, 5, 10].

Le traitement de l’amylose réactionnelle consiste en celui de la maladie sous-jacente (infection chronique, rhumatisme inflammatoire, tumeur maligne...). Dans la fièvre méditerranéenne familiale, la colchicine à la dose quotidienne de 1 à 2 mg prévient les poussées inflammatoires dans 95 p. 100 des cas et l’amylose rénale chez presque tous les patients, même en l’absence de contrôle des accès paroxystiques [11]. Son intérêt est beaucoup moins évident chez les patients ayant déjà une amylose rénale. La colchicine pourrait également être intéressante dans d’autres maladies inflammatoires, bien que seules quelques observations ponctuelles d’amélioration de l’amylose au cours de la maladie de Behçet, du rhumatisme psoriasique et du syndrome de Muckle-Wells aient été rapportées. L’efficacité des immunosuppresseurs comme l’azathioprine, le méthotrexate, le cyclophosphamide, le chlorambucil a été décrite dans des maladies inflammatoires chroniques, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde compliquée d’amylose rénale AA. Enfin, l’efficacité du diméthylsulfoxyde (DMSO) est suggérée chez quelques patients avec une atteinte rénale due à l’amylose AA, avec comme effets secondaires des nausées, une hépatite cytolytique transitoire et une odeur d’ail de l’haleine.

Les amyloses cutanées primitives sont déclenchées et/ou entretenues par le prurit et, de ce fait, il paraît nécessaire de prévenir le frottement et le grattage. Les dermocorticoïdes de classe I ou II, sous pansement occlusif ou non, constituent le traitement de première intention, mais il existe souvent une rechute à leur arrêt [10]. Une solution aqueuse à 50 p. 100 de DMSO est également efficace, permettant le contrôle du prurit et l’affaissement des lésions papuleuses chez 9 patients sur 10 dans un délai de 6 à 20 semaines, avec là encore une rechute à l’arrêt. L’examen histologique montrait cependant la persistance des dépôts amyloïdes. Par ailleurs, dans une étude portant sur 13 patients avec une amylose cutanée primitive, des applications intermittentes d’une solution pure de DMSO ou diluée à 50 p. 100 après disparition du prurit permettaient d’éviter les rechutes en espaçant les applications en fonction de la réponse clinique et en définissant l’intervalle optimal entre les applications [7]. Notons que, après 6,5 mois de traitement, les troubles pigmentaires ne s’amendaient que dans 50 p. 100 des cas, les papules s’aplanissaient dans plus de 70 p. 100 des cas. L’association d’applications de DMSO en solution et de dermocorticoïdes pourrait potentialiser l’action des dermocorticoïdes. La tolérance des solutions de DMSO était satisfaisante, malgré une sensation immédiate de brûlure durant 20 à 30 minutes lors des premières applications, devenant plus brève et moins intense lors des applications suivantes, une urticaire de contact surtout avec le DMSO pur, une sécheresse cutanée et une desquamation, et une odeur d’ail de l’haleine. L’efficacité d’une solution d’acide rétinoïque à 0,05 p. 100 a été rapportée ponctuellement. Les antihistaminiques à visée symptomatique constituent un appoint thérapeutique utile.

Des alternatives existent mais leur efficacité n’a été rapportée que de manière anecdotique. Il en est ainsi des UVB ou de la dermabrasion qui retire mécaniquement l’épiderme et le derme superficiel, avec cependant des troubles pigmentaires régressant progressivement [10]. Récemment, l’intérêt du calcipotriol en crème (50 μg/g) a été observé dans le lichen amyloïde avec une efficacité identique à celle de dermocorticoïdes de classe 2, mais avec une tolérance (érythème et desquamation) et un coût défavorables dans une étude en double aveugle, un hémicorps versus l’autre incluant 16 patients [2]. Finalement, l’efficacité de l’étretinate ou de l’acitrétine, en débutant à la dose de 0,7 mg/kg/j, de la vaporisation par le laser à CO2 et du DMSO per os reste à confirmer [8, 10].

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